mercredi 19 juillet 2017

La Carmen de Félix

 Une imposture au service des impuissants par Marion Palépédès 


À défaut de prendre ses filles pour maîtresse, Félix N. fait de ses maîtresses ses filles. C'est lui qui le dit, je cite : « Inversant les mœurs de la Tribu où l'on prend ses filles pour amantes, je fais de mes amantes, religieusement, mes filles » [1]
Derrière le jeu de mot sur les mantes religieuses, aux grandes pattes antérieures repliées prêtes à bondir sur les malheureux petits mâles heureux, qui ne voit la griffe de l’antisémillantisme sémillant à induction de cent-mille volt, et même plus précisément de volt’terre ?

 De toutes ses lolitas, celle qu’il préféra fut Carmen X., une petite anglaise de Birmingham, et qui signait Carmen Aryen par goût pour les sonorités aryennes, à défaut de sororité, cet album photographique de nazillones factices mais d’actrices pornographiques réelles.

 Mais cette petite Teigne particulièrement teigneuse, frottée de littérature, et qui s'essayait au pamphlet, ne fut pas comme les pseudo-sœurs aryennes une fiction de la Toile !
Non dépourvue d’une espèce de talent pamphlétaire, du moins de la férocité idoine à l’exercice, car elle a été à l'école d’un des plus grands maître, elle ne brillait que dans les attaques ad hominem car elle n’a jamais pu s’élever aux idées générales, ni à la moindre conception un tant soit peu élevée.

Elle s'en prenait donc nominalement aux autres femmes, sans distinction de sexe, ni d'orientation, et c'est à cause de l’espèce de sa race, que ces maudits machos ont beau jeu de dire que les « gonzesses » sont comme les épiciers, qui détestent l’épicier d’en face mais défendent avec rage l’Épicerie. [2]

 Elle fût la seule que Félix N. ait appelé « ma disciple dissipée préférée », qui serait selon lui « pourvue du génie de l'Imitation, ce qui n'est pas donné à toutes ».
Aussi aimable dans la louange que dans l’invective, on voit. Avec un laudateur pareil plus besoin d’insulteur.

Il y a quelques années, cette petite ineptie vivante s’est d’attaquée à une Peintre de renommée nautique, en des termes débordants d’ignominie, éclaboussant à l’entour toutes les femmes artistes , car elle haïssait sans discernement toutes les ex de Félix N., même les plus fugaces, sa jalousie atteignant parfois au sublime:

Sans doute, en cette occurrence, Félix N. a-t-il désapprouvé les déluges de fiel de sa protégée, mais en des termes qui laissent dubitatif quant à la sincérité du reproche. «  La vilaine traîtresse psychopathe, qui veut laver par la satire rétrospective mes errements satyriasiques, et balance à grands seaux ce qui fut susurré sous le sceau du secret. »

En fait, derrière l’aquarelliste en col bleu, la Carmen visait toute la bonne bourgeoisie de Province, et les institutions traditionnelles encore debout, comme la Marine nationale et le Clergé, et d’une manière générale attentait à la pudeur des vraies bonnes femmes.
Car elle venait des bas-fonds, en conservait un fond de bassesse et concevait une haine des femmes distinguées digne des sans-culottes, que n’aurait pas renié l’infâme misogyne de Ferney.
Un exemple entre mille :  en rajoutant sur la misogynie de son mentor, elle a osé ajouter foi aux dires de Casanova, concernant le supplice de Damien, qui a tant fait souffrir notre Bon Roi, le pauvre.

En effet Casanova prétendit que les femmes de la noblesse et de la bourgeoisie s’étaient arrachées à prix d’or les meilleures places, fenêtres et balcons, pour se délecter du supplice inhumain infligé à ce brave garçon livré aux tenailles, au souffre, au plomb fondu, et aux écartèlements interminables, tourment qui, je l’ai dit ont mis le malheureux Roi à la torture.
Je sais que ce fait est attesté par beaucoup d’historiens, comme J.C Petifils : « Les femmes étaient venues en grand nombre dans leurs plus beaux atours. Les fenêtres se louaient à prix d’or. »
Mais pas par moi, or je suis la seule !

Car on ignore ce fait : l’histoire de France fut écrite par des machistes anticléricaux, et que féminisme et jésuitisme transcendent les pseudos vérités parlementeuses.

 Une nuit on a retrouvé Carmen une balle de 38 dans la tempe, aussi morte qu'il est possible de non-être, sur le ballast de la gare de Perpignan.
Longtemps les soupçons allèrent vers Félix N, à cause d’une poésie saturnienne un peu dans la veine du poème de Verlaine dédié à feu Lucien Létinois.
Puis bizarrement les soupçons cessèrent.
Pourtant, cette poésie constitue la preuve incontestable de leur mutuelle et destructrice passion, et pour beaucoup son pénultième ver:  « Toi prête à me trahir, moi près de te tuer », celle d’un désir homicide.
Le voici, ici, en entier, pour les amateurs, s’il en est.

Si on ajoute cet autre poème bizarre, en prose cette fois, nous conviendrons que le dossier à charge s’épaissit.


Marion Palépédès

Notes
 [1] Fragrans Feminae. Post-op mignardises, P.35
 [2] Thème odieusement développé dans L'Enfer de Don Juan

Remember

REMEMBER

Carmen te souvient-il au fin fond des enfers 
 De la gare du Nord et du chemin de fer 
 Qui t’apporta un soir arrivée d’Angleterre, 
 T’en souvient-il encor, toi qui dors sous la terre ? 

 O Morte, souviens toi de la Porte d’Italie, 
Des cyprès dans nos cœurs pleins de mélancolie 
Si près d’être brisés par nos sombres querelles 
 Vingt ans déjà, combien pourtant je me rappelle !  

Quel hiver nous avions, c’était partout la grève ! 
 Moi j’aurais bien voulu que Paris se soulève ! 
Mais toi tu n’aimais pas que tout se fût bloqué 
 Je t’ai dit Viens partons, et tu m’as dit OK ! 

 O ma souffrance en bas du rapide escalier 
Dans l’attente de toi, sans pouvoir oublier 
Quel zénith de douleur y pouvait en descendre
 Changeant mon espérance en un zeste de cendre. 

 Mais toi tu descendais lentement, longue et brune 
Comme un beau clair de lune dans la longue nuit brune 
Ton sourire si doux, beau, mais un peu triste 
 Et qui pulvérisait mes humeurs terroristes ! 

 Après les premiers mots, maladroits, allusifs 
 Et ton bras dans le mien, nous quittions Villejuif.  
Dans la mini Austin, les airs de Led Zeppelin 
De nos cœurs tourmentés chassaient vite le spleen ! 

 Ainsi nous arrivions en roulant, côte à côte, 
Pour rouler l’un sur l’autre dans une chambre d’hôte 
Irrassasiés toujours, à jamais éperdus, 
L’un de l’autre affamés, l’un par l’autre perdus. 

Et puis nous déjeunions de soles et de corail 
Pour reconstituer nos forces de travail : 
 A peine hors des draps que leurs sueurs humectent 
Les amoureux transis bâfrent des pleuronectes ! 

 Et puis nous rentrions, étourdis et grisés 
Tout asphyxiés encore de nos derniers baisers... 
Que valent les baisers, que valent les caresses
Les promesses faussées d'une telle traîtresse? 

Dans la mini Austin nous roulions en silence
Au dedans de nous mêmes roulait l'ambivalence,
Toi prêtre à me trahir, moi près de te tuer;
Ah Carmen, ma Carmen, à moi prostituée !